Vous avez certainement déjà vécu cette déception : vous ouvrez avec enthousiasme une bonne bouteille de vin, mais à la première gorgée, vous détectez un goût désagréable de moisi, de carton mouillé ou de cave humide. C’est le fameux « goût de bouchon », un défaut malheureusement assez fréquent qui peut gâcher l’expérience de dégustation. Dans cet article, nous allons explorer les causes de ce problème, les solutions mises en œuvre par les producteurs pour le prévenir, et les astuces pour tenter de rattraper un vin bouchonné.
Qu’est-ce que le goût de bouchon ?
Le goût de bouchon est causé par une molécule appelée Trichloro-2,4,6-Anisole, ou TCA. Présente dans le liège du bouchon, elle contamine le vin et masque ses arômes avec une forte odeur de moisi, perceptible même à très faible dose. Une concentration infime, de l’ordre d’un milliardième de gramme par litre (1 ng/L), suffit à rendre le vin imbuvable. À partir de 5 ng/L, le défaut est perceptible par la plupart des dégustateurs.
Le TCA n’est pas dangereux pour la santé mais il altère complètement le plaisir de la dégustation. Un vin bouchonné aura perdu tous ses arômes fruités et floraux. En bouche, il sera plat, sans saveur, avec une sensation asséchante en finale. Impossible de retrouver le bouquet et les qualités du vin d’origine.
D’où vient la contamination ?

Dans la plupart des cas, ce sont les bouchons en liège eux-mêmes qui sont contaminés, suite à un lavage avec des produits chlorés. Le liège est un matériau naturel, issu de l’écorce du chêne-liège, qui contient naturellement des molécules aromatiques. Si des dérivés chlorés sont utilisés durant son traitement, une réaction chimique se produit et donne naissance au redoutable TCA.
Plus rarement, le TCA peut aussi provenir des charpentes en bois de la cave, de vieux fûts ou même de palettes de transport traitées au chlorophénol. Si seul un lot de bouchons est touché, une partie des bouteilles sera affectée de façon aléatoire. Mais si c’est le matériel de la cave qui est en cause, toute une cuve peut être concernée.
Comment les producteurs luttent-ils contre ce fléau ?
Face à ce problème qui fait leur hantise, les producteurs de vin ont plusieurs options :
- Faire appel à des fabricants de bouchons réputés (Amorim Cork, Diam…) qui appliquent une sélection rigoureuse et des procédés spécifiques pour éliminer le TCA. Les bouchons Diam par exemple sont reconstitués à partir de liège broyé et traité par CO2 supercritique.
- Utiliser des bouchons techniques sans liège, comme les bouchons Nomacorc en matériau synthétique ou les capsules à vis en aluminium. L’inconvénient est que ces obturateurs limitent les échanges gazeux et donc le vieillissement du vin.
- Bannir complètement les produits chlorés pour le nettoyage de la cave et du matériel vinaire, et assainir les locaux en cas de contamination.
- Réaliser des contrôles qualité par chromatographie en phase gazeuse ou des tests sensoriels sur des échantillons avant la mise en bouteilles.
Le choix n’est pas simple car ces solutions ont un coût non négligeable et certaines (bouchons techniques) peuvent légèrement modifier les qualités sensorielles du vin, à la mise en bouteille ou au vieillissement. Chaque producteur doit trouver le meilleur compromis selon ses objectifs et son budget.
Que faire face à un vin bouchonné ?
Malgré toutes les précautions prises par les producteurs, il arrive qu’un vin bouchonné passe entre les mailles du filet. Si cela vous arrive, vous pouvez essayer ces astuces de dernière minute pour tenter de sauver votre bouteille :
- Servir le vin dans un verre « ballon » bien ventilé et attendre quelques minutes que le TCA s’évapore.
- Transvaser délicatement le vin dans une carafe en le faisant s’écouler sur la paroi pour l’aérer au maximum.
- Envelopper un morceau de film alimentaire froissé autour du goulot et verser doucement le vin par dessus. Le polyéthylène absorbe une partie du TCA.
- En dernier recours, plonger une pièce en argent dans le verre quelques secondes. L’argent a la réputation de capter les mauvais goûts… à défaut d’agir sur le TCA !
Ces gestes permettent parfois d’atténuer le goût de bouchon mais malheureusement, quand un vin est fortement contaminé, il n’y a plus grand chose à faire, sinon se faire rembourser la bouteille par le caviste ou le producteur.
Si vous avez la malchance de tomber sur une bouteille bouchonnée, n’hésitez pas à la rapporter à votre caviste ou à contacter le producteur. Mais rassurez-vous, les professionnels du vin sont pleinement conscients du problème et mettent tout en œuvre pour le prévenir. Avec une vigilance accrue à tous les stades de l’élaboration, on peut espérer voir ce défaut de moins en moins fréquent à l’avenir, pour le plus grand bonheur des amateurs de vin !
En attendant, si vous ouvrez une bouteille et que vous détectez ce vilain goût de bouchon, essayez les astuces de grand-mère comme la pièce en argent. Et si rien n’y fait, changez de bouteille et trinquez à la santé du travail bien fait !




